Les Femmes et la science(-fiction) : Émilie Querbalec

Ce mois-ci zoom sur Émilie Querbalec, écrivaine française de science-fiction, publiée chez Albin Michel.

Émilie Querbalec

 

 

Un début de vie sinueux

Émilie Querbalec est née en 1971, au Japon, d’un père français et d’une mère japonaise. Elle est née sur l’île d’Hokkaïdo, l’île la plus au nord du Japon, et plus exactement à Sapporo. Elle y restera six ans. Son père était thésard, enseignant-chercheur à l’université. Sa mère était céramiste-plasticienne.

 

Île Hokkaïdo, au nord du Japon.

Lorsqu’elle arrive en France, sa famille s’installe dans les Landes pour quelques mois, avant d’aller vivre en région parisienne. Émilie Querbalec suit une scolarité classique, jusqu’au baccalauréat scientifique. Mais elle n’a pas l’esprit scientifique : « Je ne suis pas du tout méthodique dans ma manière de fonctionner mentalement ». Aussi bifurque-t-elle ensuite vers des études littéraires. Une année de prépa littéraire ne lui conviendra pas davantage. Elle s’oriente alors vers des études de photographie, d’histoire de l’art et de langues orientales.

Elle commence par enchaîner les petits boulots. Traductions, interprétariat, sous-titrage de films… Cette palette d’activités intéressantes et diversifiées ne lui permet pas d’évoluer dans un domaine précis, aussi ressent-elle le besoin de faire quelque chose d’autre, de se poser. Elle souhaite exercer un métier plus proche des gens, elle veut se rendre utile. C’est ainsi qu’elle devient diététicienne-nutritionniste dans un hôpital pédiatrique.

 

Émilie Querbalec a toujours eu besoin d’apprendre, de suivre des formations pour renforcer ses connaissances. Elle s’est même lancée dans un DU – le DU nutrition du sport – juste après la naissance de sa petite dernière, alors qu’elle l’allaitait. « Ça a été très compliqué ! » confie-t-elle, amusée.

Aujourd’hui, avec un métier prenant, elle n’a plus beaucoup de temps et elle doit faire des choix. Entre un mari et trois enfants – de la préado au jeune adulte –, pas évident de dégager des moments pour soi. Une famille, « ça prend beaucoup d’énergie et de temps ». Se former pour progresser dans son métier de nutritionniste-diététicienne ? Se former pour progresser dans l’art de dompter les difficultés de l’écriture ? Ou écrire ? « Souvent, je vois passer des formations et je me dis : Ah ! Ça m’intéresserait, j’aimerais bien ! Mais je sais que ce n’est pas possible. Si j’arrêtais d’écrire, oui, je pourrais, mais il faut choisir. » Alors elle écrit, tant que l’inspiration est là.

Et l’inspiration, Émilie Querbalec la trouve dans ses lectures, dans ses recherches, dans la documentation nécessaire pour écrire des récits de science-fiction. Cela comble aussi sa soif d’apprendre. « Récemment, je lisais un article sur la spintronique. Il y a des notions qui m’interpellent. Je trouve que c’est stimulant, ça ouvre l’imagination. »

 

Grandir vers l’écriture et la science-fiction

Enfant, Émilie Querbalec grandit dans un milieu littéraire et scientifique. Elle lit énormément, tout ce qui lui passe sous la main. Elle commence déjà à écrire des histoires. Elle tombe dans la marmite de l’imaginaire dès l’enfance. Elle vit encore au Japon lorsqu’elle découvre les animés de Leiji Matsumoto et de Hayao Miyazaki, à la télévision. Elle est captivée par Galaxy Express 999 (lire aussi la fiche disponible sur le Galion des étoiles) et Nausicaä de la Vallée du vent (lire aussi la fiche disponible sur le Galion des étoiles). Sa famille comptant de grands lecteurs de bande dessinée, notamment des amateurs de science-fiction, Émilie est embarquée dans les aventures de Valérian et Laureline (série rebaptisée ainsi en 2007, dont le titre précédent était : Valérian, agent spatio-temporel).

Elle déclare à ses parents qu’un jour, elle sera écrivaine. Évidemment, leur réaction immédiate est le très classique : « Être écrivain, ce n’est pas un métier ! » (voir le portrait de Célia Ibanez, sur ce blog). Alors Émilie passe à autre chose et se passionne pour la danse, pour la photo, etc. C’est après la naissance de son deuxième enfant qu’une amie l’invite à rejoindre un petit groupe de lecture uniquement composé de femmes, un genre de « Cercle des poétesses disparues ». Là, Émilie se met à écrire et à lire ses productions. De fil en aiguille, elle se rend compte qu’elle a très envie de consacrer beaucoup d’énergie à l’écriture.

Elle commence alors par faire des recherches sur Internet. Elle découvre les forums d’écrivains et tout un monde de passionnés. « Ça m’a permis de rencontrer des gens qui avaient la même passion. C’était vraiment chouette. »

Ensuite, elle écrit des nouvelles qui sont publiées sur différents supports : magazines, fanzines, etc. Les deux premières envoyées et publiées sont : Coccinelles, du fantastique contemporain, publiée chez les Artistes fous associés, et La Reine de Zangalar, de la science-fiction pulp, publiée chez Fantasy éditions. Dès le début, elle écrit spontanément des textes fantastiques. Puis, son premier roman Les Oubliés d’Ushtâr est publié en 2018, chez Nats Éditions.

Dès qu’elle en a l’occasion, Émilie Querbalec participe à des ateliers, à des stages d’écriture ou encore à des master class. « Aux Imaginales, il y a eu une master class d’écriture organisée par Lionel Davoust. On a parlé d’écriture, d’édition aussi, et on a pu faire quelques exercices d’écriture. » Dès qu’elle en a la possibilité, Émilie s’inscrit. Elle adore ça, cela permet de rencontrer des gens, de découvrir des techniques. L’une des master class parmi les plus enrichissantes pour elle fut celle de John Truby. Cet Américain est l’auteur de L’anatomie du scénario.

 

 

Quitter les monts d’automne

Émilie Querbalec commence à écrire Quitter les monts d’automne en juin 2017. Deux ans lui seront nécessaires pour arriver au bout de son tapuscrit et envisager de l’envoyer à des éditeurs.

Au cours de la première année, elle écrit le premier jet. « C’est l’étape la plus difficile, pour moi. Je peux avoir des blocages, de gros blocages. C’est une étape durant laquelle je suis épuisée en permanence. »

Au cours de la deuxième année, elle laisse les idées mûrir en vue de la réécriture, puis elle se met aux corrections. « Je corrige à 90 % toute seule. Après, je fais relire mon manuscrit au moins une fois par une personne. Je pense que c’est important d’avoir un regard extérieur, parce que, forcément, il y a des choses qu’on n’aura pas vues, qui seront notées, remarquées, et ensuite je retravaille. »

Enfin, Émilie part en quête d’un éditeur. Elle en repère cinq qui pourraient éventuellement être intéressés par son récit. Il s’agit d’une histoire de science-fiction un peu à part. Elle envoie son tapuscrit à Albin Michel, tout simplement via le formulaire de soumission de leur site Internet. C’est ainsi que Quitter les monts d’automne voit le jour chez Albin Michel Imaginaire, en septembre 2020.

Être publié chez Albin Michel – ou toute autre grande maison d’édition – est le Graal dont rêvent beaucoup d’auteurs. Pour autant, Émilie Querbalec ne se considère pas du tout comme une auteure confirmée. « J’ai encore beaucoup de choses à apprendre, à tester. Moi-même j’évolue tout le temps, mon écriture évolue. Tout est transformation. »

 

Dédicaces sur le stand Etherval, en 2014.

 

Plongée en écriture et en science-fiction

Malgré un travail et une vie de famille prenants, Émilie Querbalec a donc des choses à explorer en écriture. Pour cela, elle s’organise. En semaine, il lui est compliqué d’écrire tant ses journées sont chargées. Mais le week-end, lorsque sa famille fait la grasse matinée, par exemple, elle peut facilement profiter de trois à quatre heures de tranquillité. Pour écrire, « j’ai besoin de silence, d’être seule, qu’on me fiche la paix. Et qu’on ne vienne pas me demander : Maman, où est-ce que t’as rangé mes chaussures ? Au fait, t’as pensé à envoyer tel papier à telle administration ? » En outre, Émilie n’écoute pas de musique lorsqu’elle écrit. Cela la déconcentre. Hélas, trois ou quatre heures, ça passe vite… Le quotidien reprend vite le dessus. Pour ne pas perdre le fil de l’histoire en cours d’écriture, Émilie emporte toujours un cahier Clairefontaine et un stylo dans son sac à main. Chaque jour, dès qu’elle a un petit moment, elle écrit. Tous les jours, trois ou quatre phrases, afin de conserver le lien avec son récit, de rester plongée dedans. « Je crois que c’est important d’être complètement imprégnée de ses personnages, de son histoire… »

Pour nourrir son écriture, en plus de ses recherches, Émilie lit des livres de science-fiction. Son intérêt pour les romans de ce genre est venu bien après son intérêt pour les BD. Émilie est notamment influencée par Pierre Bordage et surtout par la trilogie Dune, de Frank Herbert. Évidemment, elle lit les classiques, comme Isaac Asimov, George Orwell, mais ils ne l’emballent pas. « Je ne me retrouve pas trop dans la science-fiction de nos grands-parents, dans la science-fiction des années cinquante. Ça m’emmerde un petit peu. Je sais que ça va choquer les gens… Ces histoires sont tellement loin de ce que je peux ressentir, de ce que je cherche à ressentir en lisant ! Les idées ne sont pas dépassées, beaucoup de choses ont été mises en place par ces premiers auteurs…, c’est la manière d’écrire, les sensibilités d’écrivains qui le sont. Il faut dire quand même que, quand on lit des auteurs des années trente, quarante, ou cinquante, soixante, souvent, quand on est une lectrice, c’est difficile, c’est un peu pénible ! Donc, je me sens beaucoup plus proche d’auteurs contemporains. » L’image de la femme en science-fiction a, en effet et heureusement, évolué depuis cette époque-là.

 

Et maintenant ? Actuellement, Émilie Querbalec prépare un nouveau roman de science-fiction. « Il y a un voyage spatial. Ça commence sur Terre, et ensuite on part complètement ailleurs. » Ce roman s’adressera davantage à des adultes que Quitter les monts d’automne, qui intéresse aussi les grands adolescents de par le parcours initiatique de l’héroïne. Son prochain roman, quant à lui, n’est pas du tout destiné à un lectorat jeunesse.

Si la situation sanitaire le permet, vous pourrez rencontrer Émilie Querbalec sur deux événements cette année : un ce printemps et un cet automne. Pour plus d’informations quant aux lieux et aux dates, suivez-là sur Facebook !

 

Merci encore, Émilie, d’avoir accepté de répondre à mes questions pour cet article.

 

H.G.

 

Articles précédents, dans la série “Les Femmes et la science(-fiction)” :

Magali GUYOT, écrivaine française de science-fiction – octobre 2020 ;

Célia IBANEZ, écrivaine française de science-fiction – mai 2020 ;

 

 

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