Après l’astronome française Françoise Combes, spécialiste de la formation des galaxies et experte en matière noire, aujourd’hui zoom sur la Russe Valentina Terechkova, première femme astronaute de l’Histoire.
Photo de Valentina Terechkova tirée du site astronomie-nova.fr
Valentina Terechkova est née le 6 mars 1937 à Maslennikovo, à 270 kilomètres au nord de Moscou, en Russie. Son père était conducteur de tracteur dans une ferme collective, sa mère, au foyer. Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, son père est enrôlé comme conducteur de char. Il sera tué en janvier 1940. En 1945, à la fin de la guerre, la mère de Valentina part vivre chez sa propre mère, à Laroslavl, emmenant ses trois enfants.
Valentina entre à l’école peu après, vers 9 ans. Elle a l’idée de devenir mécanicienne pour les trains. Mais, très vite, elle est obligée d’interrompre sa scolarité pour aider financièrement sa mère, qui est en arrêt maladie. C’est ainsi qu’elle devient, à 16 ans, ouvrière chez un fabricant de pneus.
À 18 ans, elle entre dans la filature où travaille sa mère. Allergique à la poussière de coton, elle suit des cours par correspondance pour changer de poste. En 1960, elle obtient un diplôme de technicienne supérieure en filature textile, mention Excellent.
En parallèle de son travail et de ses cours, elle débute le parachutisme en 1959, à l’aérodrome de Yaroslavl. Deux ans après, elle devient instructrice.
Valentina Terechkova a des idées politiques bien arrêtées. Fervente communiste, elle adhère à l’organisation de la jeunesse du parti communiste soviétique.
En 1961, les vols de Youri Gagarine (voir l’article précédent sur ce blog : “Les vaisseaux spatiaux”) et de Guerman Titov la font rêver. Elle veut devenir cosmonaute et voler dans l’espace, elle aussi. Elle rédige une lettre de candidature…
Image tirée du site Sciences et avenir.
En pleine guerre froide, il n’est pas question pour les Russes que les États-Unis soient les premiers à envoyer une femme dans l’espace. Aussi décident-ils de recruter six femmes qui deviendront cosmonautes. Habituellement, un cosmonaute doit être pilote d’essais. Trop peu de femmes russes le sont. Les critères de sélection sont donc modifiés : les candidates doivent pratiquer le parachutisme. Mais pas seulement. Des critères idéologiques entrent aussi en ligne de compte : elles doivent être membres des jeunesses communistes ou du parti. C’est parce qu’elle remplit toutes les conditions que Valentina Terechkova fera partie des cinq femmes retenues en février 1962, après de longues semaines d’entretiens, d’examens et de tests difficiles.
En 1962, Valentina Terechkova entre à la Cité des étoiles, à l’âge de 25 ans. C’est là qu’elle fait la rencontre d’Andrian Nikolaïev, un autre cosmonaute.
Valentina Terechkova s’entraîne durant quinze mois. Tâches complexes à effectuer dans une pièce surchauffée, isolement dans une salle où ses camarades féminines et elles sont coupées du monde pendant plusieurs jours, ou encore passages dans la centrifugeuse…, autant d’épreuves pour tester ses résistances physiques et psychologiques, et pour la préparer à son prochain voyage dans l’espace. Elle effectue aussi des vols sur deux avions différents, dont un MiG-15, pour se familiariser avec les commandes de vol qui sont similaires dans les capsules Vostok. Pour autant, elle ne pilote pas elle-même. En parallèle, elle continue à sauter en parachute.
C’est finalement elle qui est retenue pour être la première femme à aller dans l’espace.
Capsule Vostok 6
Le 16 juin 1963, Valentina Terechkova s’envole pour l’espace à bord de la capsule Vostok 6. Son indicatif radio est “Tchaïka”, qui signifie “Mouette” en russe. Sa mission en orbite durera deux jours et près de 23 heures. Une mission émaillée de petits soucis, dont certains seront dissimulés au reste du monde pendant trente ans.
Tout d’abord, Valentina est victime du mal de l’espace (lire plus bas). Dans sa capsule, elle le nie. Cependant, elle perd l’appétit, dort beaucoup, est victime de vomissements et, à plusieurs reprises, elle ne parvient pas à effectuer des manœuvres de correction de trajectoire.
Mais pourquoi corriger la trajectoire de sa capsule ? Dès le premier jour de vol, Valentina Terechkova réalise qu’à chaque nouvelle orbite, elle s’éloigne de la Terre. Le système automatique présente un défaut de mise au point : au lieu d’être programmé pour descendre progressivement vers la planète bleue, il s’en écarte ! Valentina en informe le constructeur principal, Sergueï Korolev. On lui envoie rapidement les correctifs pour réorienter la capsule dans le sens de la descente. Sergueï Korolev lui signifie aussitôt qu’il ne faudra pas parler de ce problème. En pleine guerre froide avec les Américains, il est interdit de révéler la moindre défaillance russe. « À cette époque, on ne travaillait pas normalement, parce qu’on était en opposition avec les Américains. […] Le constructeur principal m’a dit : « On n’en parle pas ». » (Voir la vidéo sur Dailymotion.)
Mais à cause du mal de l’espace dont elle souffre, Valentina Terechkova ne parviendra à effectuer les manœuvres de correction de trajectoire qu’au début du troisième jour. On imagine à peine l’angoisse qui a dû l’étreindre pendant ces journées, luttant contre des nausées et des vertiges pour parvenir à reprendre le contrôle de sa capsule défaillante…
Valentina effectue 48 orbites avant que sa capsule Vostok enclenche les rétrofusées pour prendre la direction du retour sur Terre. Avant même le début de la descente de la capsule, le centre de contrôle russe perd le contact radio avec Valentina. Heureusement, tout se déroule bien pour elle. Elle parvient à s’éjecter sans problème. Elle commet cependant l’erreur d’ouvrir la visière de son casque pour se repérer. Un débris de métal la blesse légèrement au visage. Peu après, elle réussit à atterrir dans un champ. Elle préviendra le centre de contrôle du lieu de son atterrissage par téléphone.
À son arrivée sur Terre, avant que les secours ne la rejoignent, Valentina va distribuer la nourriture qu’elle n’a pas mangée à des paysans venus l’aider, et nettoyer sa capsule. Autant de preuves de son état qu’elle ne souhaite pas révéler aux médecins du centre spatial. Craint-elle de ne plus pouvoir repartir dans l’espace à cause de ça ? (Voir l’article sur Sciences et Avenir.)
On ne sait pas grand-chose des tâches que devait effectuer Valentina Terechkova pendant son séjour en orbite. Le secret autour du programme russe est toujours bien gardé. Son vol fut surtout médiatisé pour sa dimension politique, pour valoriser la grandeur de la Russie. Il fut le symbole de l’égalité hommes-femmes, et pourtant… on ne pardonna pas à Valentina d’avoir souffert du mal de l’espace, contrairement à ses homologues masculins. « On ne pardonne pas aux femmes d’attraper mal ou de faire des fautes. » Elle ne revola plus, malgré ses nombreuses demandes répétées et toutes les formations qu’elle suivit par la suite pour demeurer dans le corps des cosmonautes.
Photo by Keystone-FranceGamma-Rapho via Getty Images. Valentina Terechkova à Paris, en 1965.
Peu après son retour sur terre, Valentina Terechkova devient une figure féminine emblématique. Côté vie privée, elle épouse A. Nikolaïev fin 1963. Ils auront une fille quelques mois plus tard. Côté vie publique, elle multiplie les tournées à l’étranger et en Union soviétique. Elle a même été porte-drapeau lors de l’ouverture des Jeux Olympiques de Sotchi, en 2014.
À partir de 1966, elle occupe des postes dans les plus importantes instances politiques. Elle entre au Parlement soviétique et représente la région de Yaroslavl. À partir de 1968, elle représente le gouvernement soviétique dans plusieurs organisations internationales de femmes. Elle est députée à l’Assemblée nationale de Russie (la Douma) depuis 2011.
En parallèle de cela, Valentina Terechkova continue de se former :
En Russie, le corps des femmes cosmonautes avait été dissous en 1968. La carrière de cosmonaute ne leur fut rouverte qu’en 1978. Valentina propose évidemment sa candidature, mais elle a 41 ans… Visites médicales et tests l’écartent de la sélection, à sa grande déception.
C’est en 1997 que Valentina Terechkova quitte l’agence spatiale. Elle se consacre davantage aux personnes en difficultés, aux orphelins. Pour autant, elle ne cesse pas de fréquenter le milieu spatial. Elle caresse toujours le rêve de repartir un jour vers l’espace. Elle se dit prête à partir pour Mars, même s’il ne s’agit que d’un aller simple ! A l’instar de tous les astronautes, elle ressent sans doute le blues de l’espace… (Lire l’article en question sur LCI.)
Valentina Terechkova a reçu de nombreux prix et distinctions. Parmi eux, elle a reçu le Prix Galabert d’astronautique en 1965, à Paris. Ce Prix devait son nom à un industriel, revendeur de machines-outils, Henri Galabert, passionné d’astronautique, qui assortit cette récompense d’une somme de 20 000 francs. Ce Prix n’existe plus aujourd’hui.
Image tirée des archives digitales de l’Unesco.
Tout d’abord, revoyons deux notions de base :
La pesanteur est « la force qui entraîne les corps vers le centre de la Terre » (cf. Le Petit Robert). Il s’agit de la gravité, de l’attraction terrestre.
L’apesanteur est « l’état dans lequel les effets de la pesanteur sont annihilés, dû à l’annulation ou à un extrême affaiblissement du champ de gravitation » (cf. Le Petit Robert). On peut dire aussi « impesanteur » ou parler de « micro-gravité ».
Le mal de l’espace touche trois-quarts des astronautes (voir l’article en question sur Ciel et espace). Il est provoqué par l’absence de pesanteur. Dès que l’organisme se retrouve en apesanteur, il perd le sens de l’équilibre. Cela a plusieurs conséquences :
Fort heureusement, ce mal disparaît en quelques jours chez la plupart des astronautes. Car l’être humain s’adapte à son environnement. À tel point que son organisme se modifie… Pour en savoir plus au sujet des modifications de l’organisme en apesanteur, lire l’article très complet sur astrosuf.com.
Le mal de l’espace a été mis en scène dans quelques livres et films de science-fiction :
À ce jour, une seule française est allée dans l’espace. Il s’agit de Claudie Haigneré. Elle a décollé le 17 août 1996 à bord d’un vaisseau Soyouz. Elle a passé seize jours à bord de la station spatiale Mir.
– Françoise COMBES, astronome française, spécialiste de la formation des galaxies et experte en matière noire – décembre 2020 ;
– Emmanuelle CHARPENTIER, biochimiste et microbiologiste française – novembre 2020 ;
– Magali GUYOT, écrivaine française de science-fiction – octobre 2020 ;
– Katherine COLEMAN GOBLE JOHNSON, mathématicienne et ingénieure spatiale américaine – juillet 2020 ;
– Andrea GHEZ, astronome, chercheuse américaine – juin 2020 ;
– Célia IBANEZ, écrivaine française de science-fiction – mai 2020 ;
– Katie BOUMAN, scientifique américaine – avril 2020 ;
– Marie CURIE, scientifique naturalisée française, d’origine polonaise – mars 2020.
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