Après la biochimiste et microbiologiste française, prix Nobel de chimie 2020, Emmanuelle CHARPENTIER, aujourd’hui zoom sur Françoise COMBES, astronome, spécialiste de la formation des galaxies et experte en matière noire.
Françoise Combes est née le 12 août 1952, à Montpellier, d’un père militaire et d’une mère au foyer. Les mutations professionnelles de son père vont l’entraîner, durant son enfance, en Nouvelle-Calédonie, à Tahiti et en Algérie. Beaucoup de monde lui a demandé si, petite déjà, elle observait l’espace à travers un télescope. En réalité, elle « ne savait pas trop ce qu’elle voulait faire » (citation tirée de l’article paru sur le Journal du CNRS). Elle s’est passionnée pour la physique au fil de ses études.
Son parcours scolaire la conduit vers l’astrophysique : classes préparatoires aux grandes écoles ; Ecole normale supérieure de jeunes filles près de Paris où elle obtient un DEA de physique ; thèse de doctorat de 3e cycle à l’université de Paris-Diderot sur les modèles d’univers symétriques de matière/antimatière, durant laquelle, avec un groupe de chercheurs, elle développe un scénario que leurs calculs invalideront finalement.
En 1975, Pierre Encrenaz monte le premier laboratoire français de radioastronomie en ondes millimétriques. Françoise Combes fait partie des premières équipes. Elle se consacre à la chimie du milieu interstellaire. La même année, elle passe l’agrégation de sciences physiques. Elle mène une thèse d’Etat sur la dynamique et la structure des galaxies et obtient son doctorat en astrophysique.
De 1976 à 1989, elle est enseignante-chercheuse et maître de conférences à l’Ecole normale supérieure (ENS), chargée de cours à l’université Pierre-et-Marie-Curie, puis sous-directrice du laboratoire de physique à l’ENS. Côté vie familiale, c’est durant cette période qu’elle aura trois enfants.
En 1989, elle est nommée astronome à l’Observatoire de Paris. Elle peut alors se consacrer pleinement à la recherche. Elle voyage à travers le monde : elle se rend dans différents observatoires aux Etats-Unis, en Espagne, au Chili, au Japon et en France, bien sûr, afin d’observer les galaxies et de trouver les différentes molécules présentes dans le milieu interstellaire. Son mari s’occupe alors de leurs trois enfants. Elle le remercie d’ailleurs dans la leçon inaugurale qu’elle donne en 2018, lors de sa nomination à la chaire Galaxies et cosmologie au Collège de France : « Je remercie ma famille qui a compris que la recherche, c’est pas 35 heures, mais toujours les week-ends et les jours fériés. » (Citation extraite de la vidéo : La matière noire dans l’univers – Françoise Combes.)
De 1989 à 2015, Françoise Combes est membre de plusieurs Conseils d’institutions et de programmes scientifiques (liste à consulter sur Wikipédia).
En 2004, Françoise Combes est la première femme astronome à être élue membre de l’Académie des sciences.
En 2006, elle est faite chevalier de la Légion d’honneur, puis promue au rang d’officier en 2015.
En 2014, elle est nommée titulaire de la chaire Galaxie et Cosmologie au Collège de France. Elle est la première femme à décrocher une chaire d’astrophysique dans cette institution. Sa leçon inaugurale porte sur la matière noire. L’administrateur du Collège de France loue son dynamisme, ses « qualités d’organisatrice et de directrice d’équipes de recherches, à un moment où ce type de recherches demande un travail collectif de plus en plus important ».
En 2020, Françoise Combes se voit décerner la médaille d’or du CNRS, qui est la récompense scientifique française la plus prestigieuse. Elle est décernée tous les ans par le CNRS depuis 1954. Elle « distingue l’ensemble des travaux d’une personnalité scientifique de renom ». Cinq femmes seulement l’ont eue avant elle :
Remarquons que, depuis 2016, les femmes sont récompensées tous les deux ans, à la même hauteur que les hommes. La science devient en effet moderne, comme le disait Emmanuelle Charpentier dans une interview en octobre 2020, et elle le prouve ici encore.
Françoise Combes est spécialiste de la formation des galaxies, de leur dynamique et de leur évolution. Elle a réalisé d’importants travaux, pionniers en matière de simulation numérique, qui contribuent à faire comprendre aux scientifiques les mécanismes d’émergence des structures galactiques. Ses travaux sont une étape importante dans la découverte de l’existence probable de la matière noire.
Françoise Combes a, en outre, effectué des recherches sur la gravité modifiée. En 2014, en effet, la théorie de la gravité modifiée de Mond permettait d’expliquer en partie les phénomènes gravitationnels observés au niveau des galaxies, sans avoir recours à une matière noire (voir la vidéo : La matière noire dans l’univers – Françoise Combes à partir de 48’50’’) que les scientifiques recherchent depuis plus de trente ans, sans succès. C’était peut-être parce qu’elle n’existait tout simplement pas… Or, cette théorie apparaît incompatible avec la vitesse de propagation des ondes gravitationnelles, que l’on peut maintenant détecter grâce aux interféromètres – présentés dans notre article scientifique de mai 2020 – et qui se déplacent à la vitesse de la lumière.
La traque de la matière noire est plus que jamais d’actualité.
Simulation de filaments de matière noire et galaxies
Simulation de filaments de matière noire (en violet) et galaxies (en jaune et orange).
On fait remonter la première hypothèse de l’existence de la matière noire aux années 1930 : c’est Fritz Zwicky qui le premier, en 1937, en parlait. Mais il a fallu attendre plus de trente ans pour que l’idée de matière noire fasse son chemin chez les astronomes et soit prise au sérieux.
Aujourd’hui, « nous » savons que 95 % de l’univers sont dans le « secteur noir », c’est-à-dire composés de matière inconnue, dite « noire » parce qu’elle n’interagit pas avec la lumière. Matière noire, énergie noire, ainsi que tout ce qui est diffus et invisible pour nos appareils actuels. La masse de cette matière noire représente 5 à 6 fois la masse de la matière visible. La matière noire expliquerait pour quelle raison les courbes de rotation des galaxies observées ne correspondent pas aux courbes de rotations calculées selon les équations de Newton (voir l’article sur les courbes de rotation des galaxies).
En 1929, la loi de Hubble-Lemaître – anciennement « loi de Hubble » – a prouvé l’expansion de l’univers. Ce phénomène était prédit par la relativité générale d’Einstein. Il a été confirmé par l’observation des galaxies : quand une galaxie s’éloigne de nous, son rayonnement est décalé vers le rouge, car la fréquence des longueurs d’onde est plus grande. Cela a traduit la dilatation de l’espace provoquée par l’expansion de l’univers. Or, les observations ont aussi montré que l’expansion de l’univers s’accélérait. « L’énergie noire » nous sert à expliquer pourquoi l’expansion est accélérée.
Ainsi, on obtient le diagramme suivant :
Les baryons sont les protons et les neutrons, particules qui composent la matière visible. Il est important de savoir que, parmi ces 5 % de baryons, 65 % n’ont pas encore été identifiés par les scientifiques. Ils sont dits « baryons noirs ».
Un peu avant 1980, les scientifiques supposaient que les galaxies étaient entourées de matière noire qui stabilisait les forces gravitationnelles. En 1984, ils ont découvert que la matière noire n’était pas baryonique, mais d’une autre nature. Ils procèdent depuis par élimination pour trouver les particules qui pourront un jour traduire la nature de la matière noire. Aujourd’hui, les meilleures candidates sont les particules WIMPS, pour Weakly interactive massive particles. Ce sont des particules froides, à vitesse lente, et dont l’interaction est faible. Pour l’heure, cela reste une supposition. Les observations n’ont pas encore permis de mettre la main sur ces WIMPS.
Pour autant, après de nombreuses observations et modélisations, Françoise Combes a réussi à faire ressortir la présence de matière noire. Elle a observé que, dans le vide, il n’y avait ni matière visible ni matière noire, alors que les deux se superposent quasiment tout le temps, sauf lors de collisions de galaxies, où elles sont dissociées. Des simulations présentent la matière noire sous forme de filaments (voir les images ci-dessus). À chaque croisement de trois ou quatre filaments, on trouverait des galaxies. Plus il y aurait de filaments à un carrefour, plus la concentration en galaxies serait grande, et on trouverait la présence d’amas. Malheureusement, ces simulations fascinantes ne sont pas encore confirmées par les observations, car les profils de matière noire ne semblent pas universels, et surtout parce qu’on ne connaît toujours pas la nature de la matière noire…
Finalement, le mystère qui entoure la matière noire reste entier, tout comme la question de la nature de l’énergie noire…
2020 est une année fructueuse pour les femmes et pour la science. Les avancées scientifiques se sont accélérées et nul doute que l’ouverture de nombreux domaines aux femmes n’y est pas étrangère. Dans les années qui viennent, les chercheurs trouveront des réponses aux questions que nous nous posons aujourd’hui, réponses qui amèneront, comme toujours, d’autres questions, qui elles-mêmes feront avancer la science. C’en est presque étourdissant de voir à quel point tout cela va vite, presque plus vite que l’imagination des auteurs en matière de science-fiction et d’anticipation !
H.G.
– Emmanuelle CHARPENTIER, biochimiste et microbiologiste française – novembre 2020 ;
– Magali GUYOT, écrivaine française de science-fiction – octobre 2020 ;
– Katherine Coleman Goble Johnson, mathématicienne et ingénieure spatiale américaine – juillet 2020 ;
– Andrea GHEZ, astronome, chercheuse américaine – juin 2020 ;
– Célia IBANEZ, écrivaine française de science-fiction – mai 2020 ;
– Katie BOUMAN, scientifique américaine – avril 2020 ;
– Marie CURIE, scientifique naturalisée française, d’origine polonaise – mars 2020.
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