La sphère de Dyson

(Image d’illustration ci-dessus tirée du site Futura sciences.)

 

Après l’article sur les interféromètres le mois dernier, ce mois-ci parlons de la sphère de Dyson.

La sphère de Dyson

 

Qu’est-ce qu’une sphère de Dyson ?

Une sphère de Dyson est une mégastructure hypothétique décrite en 1960 par le physicien et mathématicien américano-britannique Freeman Dyson (15 décembre 1923 – 28 février 2020). L’idée lui est venu après la lecture, en 1945, du roman de science-fiction Star maker (Créateur d’étoiles), écrit par Olaf Stapledon et paru en 1937.

Cette structure d’astro-ingénierie consiste en une sphère de matière, artificielle et creuse, située autour d’une étoile et conçue pour en capturer l’énergie émise, pour une utilisation industrielle. L’idée d’une coque sphérique est assez souvent retenue dans les livres de science-fiction, cependant F. Dyson précisait lui-même qu’elle est physiquement impossible : la force d’attraction de l’étoile la ferait s’effondrer. Sans oublier la quantité élevée de matière nécessaire pour la construire ; une quantité si importante qu’une seule planète ne suffirait pas à la produire. F. Dyson émettait plutôt l’hypothèse d’un grand nombre d’objets en orbite autour de l’étoile concernée, dont la totalité cacherait l’étoile et en capterait toutes les émissions, ou au moins une partie importante :

“Une coquille solide ou un anneau encerclant une étoile est mécaniquement impossible. La forme de la “biosphère” que j’ai envisagée consiste en une collection libre ou un essaim d’objets voyageant autour de l’étoile sur des orbites indépendantes les unes des autres. La taille et la forme des objets individuels seraient choisies pour convenir à ses habitants. Je ne me suis pas lancé dans des spéculations concernant les détails de construction de la biosphère, puisque les émissions infrarouges attendues ne dépendant pas de ces détails.” (Dyson, 1960)

Voici quelques représentations d’artistes de ce à quoi pourrait ressembler une sphère de Dyson :

Image tirée du site Futura sciences. © capnhack.com Source : https://bit.ly/2B0UKc1

Image tirée du site Pour la science © Illustration par Victor Mosquera (sauf mention contraire). Source : https://bit.ly/2BurSJb

Image tirée du site Ordre spontané. Source : https://bit.ly/3dqrBUI

La sphère de Dyson dans la littérature

Ces mégastructures sont des hypothèses sensationnelles, qui nourrissent l’imaginaire de bien des auteurs. Ainsi, vous pouvez en trouver dans les livres suivants :

Cosmos, de Carl Sagan ; Le cycle Omale, de Laurent Genefort ; L’Anneau-Monde, de Larry Niven, dont la stabilité est réfutée dans Les Ingénieurs de l’Anneau-MondeAccelerando de Charles Stross ; Les Vaisseaux du temps, de Stephen Baxter ; Le Vagabond, de Fritz Leiber ; L’Etoile de Pandore, de Peter F. Hamilton, etc.

Pour ce qui est des séries, l’épisode 4 de la saison 6 de Star Trek : New generation en présente une.

Le nombre d’œuvres évoquant une sphère de Dyson est assez important, notamment dans la littérature anglo-saxonne. Vous pouvez en consulter davantage sur Wikipédia, ICI.

Image tirée du site gurumed.com Source : https://bit.ly/318wP5d

La sphère de Dyson permet d’expliquer ce qu’on ne comprend pas encore

Les sphères de Dyson sont bien évidemment futuristes pour notre civilisation. Elles servent cependant parfois d’explication temporaire à des phénomènes que les scientifiques ne parviennent pas encore à expliquer. A l’instar de la magie, autrefois, la présence de civilisations extraterrestres est pratique, aujourd’hui, pour interpréter des événements que nous ne parvenons pas encore à comprendre.

Les mystères autour de l’étoile KIC 8462852, dite “étoile de Tabby”

Ainsi, la présence d’une sphère de Dyson a fait partie des hypothèses retenues pour expliquer pourquoi la fameuse « étoile de Tabby » [1] (ou KIC 8462852, située entre les constellations du Cygne et de la Lyre, découverte par le télescope Kepler en 2009) connaissait des baisses d’intensité lumineuse à intervalles non réguliers, de durée plus ou moins longue pouvant aller de quelques jours à plusieurs mois, et variant de 1 à 20 %. (Voir l’article sur le site Pour la science.) D’autant plus que l’étoile a faibli de 14 % entre 1890 et 1989, et d’environ 3 % sur les quatre années de la mission Kepler. Jusqu’en 2017, aucune hypothèse de physique naturelle n’était satisfaisante, et l’hypothèse de la sphère de Dyson était séduisante – mais trop éloignée d’une démarche scientifique. (Voir l‘article sur Futura sciences.) C’est en octobre 2017 que des astronomes de l’université de Columbia ont pensé avoir trouvé une explication : les baisses de l’intensité lumineuse de l’étoile de Tabby seraient dues aux débris d’une exolune. (Voir l’article sur le site Documystère.) Mais cette explication n’est pas plus satisfaisante que les précédentes (voir article sur le site Pour la science). En effet, comment expliquer que des débris de « lune » – par définition plus petite qu’une exoplanète, elle-même plus petite qu’une étoile – puissent masquer à ce point la luminosité de l’étoile et la faire diminuer durant plusieurs décennies ? Est-ce réaliste d’imaginer qu’ils se soient agglutinés pour composer un disque autour de l’étoile au point d’en atténuer l’émission lumineuse ? Cette hypothèse est, de plus, contrecarrée par le fait que les débris, chauffés par l’étoile, devraient dégager de la chaleur ; chaleur qui serait alors visible aux infrarouges. Or, Kepler n’a relevé aucun signal infrarouge autour de l’étoile… Une autre hypothèse propose l’existence d’une exoSaturne et d’astéroïdes pour expliquer, de façon tout aussi imparfaite, les variations de lumière.

La liste des hypothèses est longue, mais le mystère demeure. L’hypothèse d’une présence extraterrestre est donc la plus intéressante, mais il est plus probable que l’on soit face à un phénomène astrophysique que les chercheurs ne savent pas encore expliquer.

Mon hypothèse

C’est en lisant l’article de Julien Wacquez intitulé “La Faillite de l’imagination”. De l’existence scientifique de la sphère de Dyson (2019) (thèse disponible en partie, ICI), que m’est venue une autre idée. Je réfléchissais à ce qui pouvait altérer les flux de lumière émis par KIC 8462852. Je réfléchissais à un objet “naturel” et non extraterrestre. En arrivant à la page 211 du document, j’ai soudain eu une idée : et s’il s’agissait de trous de ver ?

Ils passeraient devant l’étoile de manière aléatoire, soit parce qu’ils seraient créés au besoin par la civilisation qui les utiliserait, soit parce que, naturellement, il y aurait des propriétés physiques encore inconnues qui concourraient à leur création de manière aléatoire dans ce secteur de l’espace. En outre, leur création “sur demande” ou suite à des phénomènes astrophysiques inconnus pourrait expliquer l’asymétrie des baisses de luminosité qui a été remarquée : “Lorsque l’objet passe devant l’étoile, sa luminosité diminue sur près d’une semaine avant d’atteindre un pic, tandis que le retour à la brillance normale de l’étoile se fait en deux jours” (Analyse de la forme des pics par un astrophysicien). Ainsi, je propose l’hypothèse que les trous de ver pourraient prendre plusieurs jours pour être créés et atteindre leur plein potentiel (et provoqueraient le pic de baisse d’intensité lumineuse de l’étoile), et disparaître rapidement après ça – et là je plonge dans la SF : après que l’objet qui aurait créé le pont d’Einstein-Rosen l’ait emprunté avec succès, par exemple.  Sans oublier, bien évidemment, que les trous de ver ne relâcheraient pas de rayonnements infrarouges : ils les absorberaient.

Mais je me demande : les trous de ver ont-ils déjà été proposés comme hypothèse, ici ? Cette hypothèse est-elle crédible ? J’avais fait pas mal de recherches sur les trous de ver, pour mon roman L’Envol du phœnix, (qui, après avoir bénéficié d’une réécriture complète, sera publié sous le nouveau titre Le cri de la Terre, en février 2023) mais je ne crois pas que les documents consultés parlaient d’émission ou non de rayonnements infrarouges. Les trous de ver étant des objets hypothétiques, les chercheurs ignorent encore de quelle manière ils pourraient vraiment se traduire, mais comme ils ont été théorisés par plusieurs physiciens et qu’ils sont une solution aux équations d’Einstein, leur existence est tout à fait possible.

Les mystères autour de l’étoile EPIC 249706694

Une autre étoile a un comportement étrange, et elle se trouve dans notre galaxie. Il s’agit de l’étoile EPIC 249706694, située à environ 350 années-lumière de la Terre, dans la direction de la constellation du Serpent. (Voir l’article sur Futura sciences.) Les baisses d’intensité lumineuse de l’étoile sont là aussi aléatoires et d’intensité variable. Elles ne peuvent pas être expliquées par des objets en transit passant devant l’étoile (devant nos « yeux », mais en orbite autour d’elle). Là encore, l’hypothèse de la présence d’une sphère de Dyson trotte dans les esprits. Et là encore, les chercheurs ne savent pas expliquer les phénomènes qu’ils observent.

Pour aller plus loin, voici une vidéo sur les mégastructures que nous pourrions – ou non – construire dans l’avenir :

La sphère de Dyson nourrit notre imagination et notre créativité

Une sphère de Dyson est donc, pour nous, quelque chose d’inaccessible pour le moment. Il s’agit, comme pour les trous de ver, d’un objet hypothétique fascinant qui nourrit notre imaginaire.

D’après l’échelle des civilisations de Nikolaï Kardashev [2] (astronome soviétique, né le 25 avril 1932 et décédé le 3 août 2019), elle serait l’outil d’une civilisation de type II, qui aurait ainsi accès à la totalité de l’énergie d’une étoile. Clément Vidal, philosophe des sciences et chercheur à l’Université Virje de Bruxelles, propose, dans son livre [3], de nommer ces civilisations des « starivores ». Elles se déplaceraient vers une autre étoile chaque fois que l’énergie de la précédente serait totalement épuisée. (Voir l’article sur le site Pour la science.)

Cette vision d’une civilisation de type II, affublée d’un surnom tout de même péjoratif, reste cependant très humaine, basée sur notre propre conception des choses. Or, notre civilisation, selon l’échelle de Kardashev, n’a même pas encore atteint le niveau I… Pourquoi toujours considérer les civilisations extraterrestres comme des nuées de sauterelles qui iraient de monde en monde (Independance Day, sorti en 1996, par exemple), et ensuite d’étoile en étoile, pour en extraire toute l’énergie jusqu’à épuisement ? Il serait temps de leur prêter aussi des intentions d’économie durable et d’entretien de leur environnement. Ces civilisations de type II ne pourraient-elles pas recréer des étoiles, les cultiver à la manière de ce que nous pratiquons en agriculture ? D’autant que les conditions pour passer d’un niveau au suivant et éviter l’autodestruction de la civilisation en question sont de parvenir à réguler la consommation d’énergie à disposition et de prendre en compte le nécessaire renouvellement des ressources…

Utiliser l’énergie des étoiles m’avait d’ailleurs donné des idées : cela peut aussi servir à alimenter directement un vaisseau intergalactique, voire une station spatiale, à la manière des Archélyiennes dans mon roman L’Envol du phœnix. Les Archélyiennes – représentantes d’une civilisation de type II – se déplacent via les trous de ver. Leur station spatiale, décrite dans le roman, a été dessinée par Théophile Navet :

Illustration publiée dans “L’Envol du phœnix” (2019), tous droits réservés.

Voilà de quoi nous faire rêver pendant encore longtemps.

H. G.

 

Je remercie Franck Selsis, directeur de recherche au CNRS, pour son aide durant mes recherches pour la rédaction de cet article et pour m’avoir permis de prendre connaissance de l’article de Julien Wacquez.

 

[1] Du nom de Tabetha Boyajian, qui en étudiait les fluctuations lumineuses grâce aux données fournies par le télescope Kepler. Elle a écrit le premier article scientifique au sujet de KIC 8462852. « L’étoile de Tabby » est située à 1 280 années-lumière de nous.

{2] Classification des civilisations d’après N. kardashev :

– Civilisation de type I : civilisation capable d’utiliser et de maîtriser l’énergie de sa planète, voire des autres planètes à proximité (nous n’avons pas encore atteint ce stade) ;

– Civilisation de type II : civilisation capable d’utiliser et de maîtriser l’énergie de son étoile, voire des étoiles à proximité ;

– Civilisation de type III : civilisation capable d’utiliser et de maîtriser l’énergie de sa galaxie.

Ci-dessous, une vidéo très intéressante pour expliquer les classements des civilisations et nous positionner sur l’échelle de Kardachev :

[3] The Beginning and the End : The Meaning of Life in a Cosmological Perspective (Le commencement et la fin : le sens de la vie dans une perspective cosmologique), de Clément Vidal. Livre disponible sur Amazon.

 

 

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